C’est dans le cadre du MOOC* Conception en permaculture de l’Université Colibris ouvert depuis le mercredi 29 novembre 2017 que nous nous sommes entretenus avec Claire Véret, permacultrice en Touraine, intervenante dans cette formation en ligne avec son mari Gildas également expert en permaculture. Rencontre avec Claire, dont le message bienveillant et positif est à rependre partout.

Pouvez-vous nous raconter vos parcours respectifs, à Gildas et à vous ?

Claire : Je suis d’abord un parcours de haut-fonctionnaire. Je passe mon diplôme d’Affaires Publiques de Sciences Po Paris puis ensuite un diplôme à l’INET (Institut National des Etudes Territoriales). J’ai travaillé dans la fonction publique jusqu’en 2008. J’ai ensuite fait une pause d’un an pour travailler dans des fermes Bio (appelées « woofing ») en Australie, Nouvelle-Zélande, Vietnam et en Inde. J’ai découvert la permaculture et l’écologie un peu par hasard, ne l’étant pas du tout initialement, en travaillant dans ces fermes Bio. Durant ces voyages et de retour en France, une prise de conscience écologique s’est effectuée et je décide donc de ne plus prendre l’avion. Je commence et termine de lire le livre des Bourguignons et me renseigne de plus en plus sur la permaculture.
Nous nous sommes rencontrés avec Gildas à la conférence Européenne de la permaculture en 2009. En 2010, on m’a proposé de faire partie du Conseil d’Administration de l’association Brin de Paille (association sur la sensibilisation à la permaculture au niveau national), ce que j’ai accepté.
En 2011, je travaille dans le Développement Durable dans la ville de Paris (accompagnement des villes en transition, investis dans les réseaux parisiens de l’écologie) et me mets à temps partiel pour doucement nous installer, 4 jours par semaine, dans notre nouvelle ferme, à Crocus. Durant cette période, nous nous impliquons dans notre nouvelle ferme 4 jours par semaine pour créer un potager, pour observer et étudier la nature. C’est durant cette année également que je suis certifiée en permaculture.
En 2012, nous amorçons le projet Ferme d’avenir qui voit le jour en 2013.
En 2013 nous déménageons en Touraine (près de Tours). J’ai eu une transition douce (2-3 ans) entre le moment où j’ai quitté mon travail et où je suis partie vivre dans notre nouvelle maison. Gildas a, quant à lui, tout de suite quitté son travail pour rénover notre nouvelle maison de façon écolo.
A partir de 2013 nous développons Ferme D’avenir (la Ferme de la Bourdaisière à Montlouis-sur-Loire est la première ferme de l’association Ferme d’Avenir) et Horizon permaculture
Jusqu’en 2009, Gildas est ingénieur des Mines à Paris spécialisé en sciences de la Terre et environnement. Il est engagé, plus que moi, politiquement dans l’écologie. Il se spécialise également dans les écosystèmes marins. Pareil que moi, Gildas est initialement très citadin mais est fils de marins, ce qui lui donne le sens de l’autonomie et des responsabilités car en bateau, il se rend compte que le soleil et le vent sont des énergies précieuses.

 Comment avez-vous été amené à la permaculture ?

Finalement un peu par hasard, durant mes voyages qui m’ont emmené sur des lieux qui s’inspiraient de la permaculture. Quant à Gildas, je l’ai un peu emmené sur ce terrain lors de notre rencontre.
C’est surtout avec l’approche positive et écologique et notre sentiment de se sentir impuissant que nous avons décidé de prendre la responsabilité de notre vie et maintenant. L’individu a un pouvoir énorme de changement et il ne faut pas attendre que l’Etat ou que les institutions changent ou viennent à nous, ils nous entendront et s’adapteront ensuite. Changer ses comportements de consommation et arrêter de consommer des produits qui favorisent l’esclavage ou de sous-payer des personnes dans certains pays. Consommer des produits équitables et Bio a un impact sur les vies de la population. A partir du moment où l’on fait les choses consciemment, alors nous avons un impact sur les autres humains et sur la nature. La permaculture nous a permis d’acquérir une méthodologie et un langage très concrets qui nous permet d’agir en cohérence avec nos valeurs humanistes.

 Quels sont les principes de la permaculture ? Pouvez-vous nous parler de l’éthique ?

Claire : L’éthique est le fondement de la permaculture, c’est un message essentiel qui permet de donner une « juste » place à l’humain. Je vois en le mot « juste », le sens d’équitable et émane du bon sens. La permaculture s’adresse à l’humain, le reste de la nature vie sa vie plutôt bien, puisque cela fait des millions d’années qu’elle met en place un fonctionnement cohérent. Dans la permaculture, chaque élément doit être en lien avec d’autres éléments. La relation prépondérante dans la nature, c’est la coopération. On l’appelle aussi la symbiose et elle permet à la nature de survivre. C’est une relation efficace. Nous, êtres humains, sommes un élément de la nature, nous faisons partie de la nature, on a donc le principe éthique de retrouver notre juste place. Prendre soin de l’humain, prendre soin de la nature et partager équitablement nous est inhérent. On se rend compte que ce que l’on fait depuis des années n’est pas vraiment cohérent et il faut, pour cela, reprendre notre bon sens. Par exemple, ce n’est pas cohérent de se chauffer au nucléaire ou de faire ses besoins dans de l’eau potable.
La nature est devenue un outil au service de l’homme mais en fait, l’humain est un élément de la nature. Il s’agit d’une observation très « terre à terre » mais ce n’est finalement que la réalité. C’est tout de même depuis que l’humain a découvert le pétrole, source d’énergie, qu’on s’est peu à peu déconnecté de la nature.

Qui s’inspire de la permaculture et comment elle peut nous inspirer ?

Claire : La permaculture peut nous inspirer au quotidien, avec la famille, avec nos amis… Elle structure n’importe quel projet et donne naissance à des métiers de la transition. J’ai un métier et je vais le faire évoluer pour qu’il incarne la permaculture comme par exemple faire évoluer les relations avec mon équipe, déployer la coopération, faire attention à la nourriture présente au travail, durant les pots d’équipe. Elle peut restructurer une profession ou bien la personne va changer de métier car il n’incarne pas initialement la permaculture. Déménager en vélo avec des cartons recyclés ou ouvrir une épicerie Bio sont tout autant de métier qui sont créés par cette nouvelle philosophie. Pour une entreprise, cela peut être : changer de fournisseurs ou changer de mode d’alimentation énergétique (passer à une énergie renouvelable par exemple).

Pierre Rabhi a dit « cultiver son jardin est un acte politique », pourquoi ?

Je dirai que c’est plus un acte de transformation car il ne s’agit pas de transformer l’individu pour transformer l’individu mais de transformer l’individu pour transformer la société pour que la société incarne la permaculture. « Cultiver son jardin » dépend finalement de comment on jardine. Ce qui est certain c’est que pour des personnes, qui comme nous, ne sont pas spécialement connectées à la terre, faire un potager et « cultiver son jardin » permet de prendre conscience de notre environnement et de ce qui nous entoure.

Comment faire sa part lorsque l’on n’a pas nécessairement d’espace extérieur ou un espace extérieur de taille réduite (jardin, terrasse, balcon…) ?

90% des personnes habitent en ville en appartement et n’ont pas nécessairement d’espace extérieurs comme des balcons et terrasses. Alors pour faire sa part, on peut transformer son quotidien, son métier, avoir un bilan carbone respectueux de la nature et de l’environnement : comment je me déplace ? Pourquoi je me déplace ? Comment je conçois mes vacances ? Où je consomme ? Est-ce que je consomme en circuit courts ? Quels cadeaux j’offre à Noël ? … L’impact est souvent plus important quand je transforme ma façon de consommer.
Avec Gildas, nous nous fixons de rouler 2000km chacun par an. Nous considérons cela comme une donnée et non une contrainte puisque c’est un cheminement et une prise de conscience qui nous a amené à ce choix et à cette décision.
La permaculture améliore l’humain, la relation avec les autres et contribue à construire et à améliorer autour de soi. Elle permet de me mettre à ma juste place. Je vis en respectant ce qui me nourrit.

Pour conclure, qu’est-ce que le MOOC que vous co-animez pour l’université des colibris va pouvoir nous apporter ?

Faire avec la nature plutôt que contre elle et en priorité avec notre nature. Je dirais que ce qui vous attend c’est sûrement ce que vous n’imaginez pas : c’est source d’apaisement et de confiance en soi. Il faut faire le premier pas maintenant et ne plus se donner de raisons d’attendre pour agir. Chaque acte et chaque choix est à la portée de tous pour changer notre façon de consommer et faire sa part.
Mettre l’homme au sein de la nature et non plus comme un être surnaturel qui régit le monde, voilà ce que dit entre autre la permaculture. Accessible à tout le monde, chaque acte individuel est porteur de sens et permet de renouer de plus en plus avec la nature.

Nous remercions Claire d’avoir répondu avant tant de sincérité et de sens du partage à nos questions. Rappelons que vous pouvez vous inscrire au MOOC* Conception en Permaculture , formation dispensée en ligne par l’université Colibris . Découvrez aussi le nouveau livre de Gildas Véret paru le 15 septembre 2017, un excellent cadeau de Noël : « Permaculture, créer un mode de vie durable »

*MOOC : acronyme signifiant « Massive Open Online Course », formation qui vise un grand nombre de personnes et se réalise à distance via Internet.

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